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Quand SNCF teste la « vidéo intelligente »

Chez SNCF, la vidéo dite « intelligente » présente des intérêts technologiques, réglementaires et économiques, qui ne concernent pas seulement la vidéosurveillance. Plusieurs solutions sont actuellement en cours de test, dans le but d’installer des systèmes opérationnels et de les étendre à l’ensemble du réseau ferré à l’horizon 2020.

Publié le

Par La Redaction

C’est une véritable innovation dans le domaine de la capture d’images. La vidéo « intelligente » fait passer la vidéoprotection d’un système passif, qui observe une scène, à un système actif, voire interactif. Il permet alors de reconnaître des situations, des personnes ou des objets, et d’agir sur leur environnement.

Grâce à de l’électronique embarquée et du matériel informatique et technique de post-traitement classique ou adapté, ces « caméras intelligentes » peuvent interpréter et analyser les images qu’elles capturent, déclencher des tâches automatiques, et stocker toutes les données récoltées pour alimenter des analyses et études diverses.

Testées actuellement chez SNCF, les essais de vidéos intelligentes ont lieu dans trois entités au sein du groupe : SNCF Réseau, Gares & Connexions et la sureté ferroviaire (SUGE).

Expérimentations chez SNCF Réseau

Chez le gestionnaire d’infrastructure, les tests ont couvert des cas d’usage de sécurité ferroviaire et de supervision du réseau, notamment au sein des postes d’aiguillages informatisés (PAI) :

Détection de défauts de rails, Détection de défauts de pantographes, Détection de position d’aiguilles,

    Analyse des tableaux de contrôle optique (TCO), avec l’outil « OpenTCO »,

  • Reconnaissance automatique de pièces détachées.

Parmi les éléments scannés par les yeux des caméras intelligentes, on retrouve par exemple les fameux tableaux de contrôle optique (TCO, accrochés aux murs des centres opérationnels SNCF, qui permettent de représenter et suivre en temps réel les voies d’une ligne par affichage lumineux). Pour que la caméra puisse analyser les TCO comme le ferait un agent, un nouvel outil logiciel a été testé : « OpenTCO » : prototype utilisant le « machine learning » créé en 2014, il est capable d’apprendre le fonctionnement des TCO, pour mieux les analyser et préparer les itinéraires de trains.

Expérimentations chez SNCF Gares & Connexions

Dans les gares, le comptage des personnes et la détection de densités de population anormalement élevées ont été les principaux centres d’intérêt. En effet, ils permettent habituellement la prédiction des phénomènes de congestion dans une gare, et donc l’anticipation et la prise de décision vis-à-vis de l’organisation des flux de visiteurs. Trois expériences sont actuellement menées :

1. Avec IBM

Le dispositif de vidéo intelligente est en place en gare de Bibliothèque François Mitterrand. Sa mission ? Le comptage et l’évaluation de la densité des flux de personnes, ainsi que la détection de colis abandonnés dans certaines zones de la gare.

D’après les premiers retours d’expérience, il en ressort un paramétrage humain sur site très contraignant, malgré des données plutôt fiables (taux d’erreur moyen de 10%) pour le comptage et la densité de flux uniquement. Aucune donnée n’a été révélée en ce qui concerne les colis abandonnés pour le moment. Cette solution présente en outre un coût très élevé : plus de 1100 euros d’investissement par caméra.

2. Avec Smart me up

La solution de la startup Iséroise est déployée dans 11 gares de la ligne C du RER, également à des fins de comptage et d’évaluation de la densité des flux dans certaines zones identifiées. En ce qui concerne le retour d’expérience, pour le moment, des difficultés de paramétrage sont également remontées : le dispositif doit encore se stabiliser, des taux d’erreur trop irréguliers et aléatoires ayant été constatés. En revanche, le coût reste raisonnable : pas plus de 300 euros de budget par caméra.

3. En gare d’Antibes

La solution IVA de Bosch a été testée pendant les mois d’octobre et novembre 2017, et s’est bien intégrée au système vidéo « Vigi360 » existant, sans ajout de matériel ou de logiciel. Les alertes émises par les caméras intelligentes s’affichent sur le poste d’un agent de la sureté ferroviaire (SUGE) en gare de Nice Ville. Plusieurs cas d’usage ont été évalués. Le franchissement de ligne virtuelle sur un quai a montré un résultat fiable dans 87% des cas. Le comptage de personnes en mouvement dans un tunnel piéton souterrain s’est montré plutôt satisfaisant, avec un taux de précision de 90%. Mais, c’est la détection d’une intrusion en gare pendant les heures de fermeture qui a été la plus efficace, tout comme l’évaluation de la densité de foule dans le hall de gare : 100% de résultats positifs. Enfin, pour ce qui est des colis abandonnés sur le parvis, la scène ressort compliquée à gérer. L’algorithme reste perturbé par les ombres en journée et les phares de voitures la nuit. Seulement 15% de « vrais positifs » ont été enregistrés pour ce test.

Expérimentations au sein de la Surveillance Générale (SUGE)

Pour la Sûreté Ferroviaire, la vidéo intelligente s’inscrit dans une démarche globale d’amélioration de l’efficacité opérationnelle des agents. L’enjeu est de les assister à chaque étape du traitement d’un incident sûreté. Il s’agit d’abord de détecter le maximum d’incidents et les individus déclencheurs, et le plus tôt possible. Pour cela, plusieurs solutions ont été évaluées, de la simple détection d’intrusion dans une zone interdite, à des algorithmes plus évolués de Détection Automatique d’Anormalités basés sur l’auto-apprentissage. De nombreux partenaires ont accompagné cette démarche, comme la société Thales, groupe industriel incontournable, ou Vi-Dimensions, start-up basée à Singapour. Une fois l’individu repéré, il est crucial de le localiser et de pouvoir suivre son parcours. La Sûreté Ferroviaire a entamé depuis Août 2017 de nombreuses démarches auprès de la CNIL pour obtenir les autorisations nécessaires afin de débuter une expérimentation d’Aide au Suivi de Personne. La récente entrée en application du RGPD a depuis fondamentalement modifié la réglementation, nécessitant de nouveaux travaux avant de lancer ces tests avec différentes entreprises. La dernière étape pour traiter les évènements sureté est de répondre aux réquisitions des enquêteurs le plus rapidement et précisément possible. Les outils d’aide à l’investigation d’événements permettent de diminuer significativement les temps de traitement. La solution Briefcam par exemple, testée à Paris et à Marseille, fournit des résultats très prometteurs.

Les solutions testées par SNCF n’intègrent toutefois pas d’identification faciale, et pour cause : la mise en relation d’une image avec une identité est la prérogative de l’Etat. En dehors de ce champ, cette dimension reste d’ailleurs interdite en France, même si la CNIL délivre des autorisations au compte-goutte à certaines sociétés comme Thalès, pour des expérimentations privées avec des personnes volontaires. Pour le moment, on peut ainsi lire sur le site de la CNIL : « Si cette technologie n’en est qu’à ses balbutiements, il importe de comprendre que son caractère intrusif est croissant puisque la liberté d’aller et venir anonymement pourrait être remise en cause ».

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